British Rock 1956-1962 – Lundi 08 12 14

    • British Rock, 1956-1962

      1. Préambule

L’Angleterre c’est certain n’a pas inventé le rock’n’roll, mais il n’est pas né non plus avec les Beatles et a commencer a s’imposer dès le milieu des années 50.

Il est utile de replacer le contexte de l’époque. Dix ans après la fin de la guerre, l’Angleterre est encore un pays meurtri et traumatisé par la guerre, profondément marqué par les bombardements qu’elle a subi. La génération qui arrive a maturité est née et a commencé sa vie dans les bombes. C’est cette génération, cette « jeunesse », qui va, par une sorte de psychanalyse collective, se délivrer de ces traumatismes, se libérer d’un conservatisme et d’une austérité imposée par les générations précédentes. On retrouve cela de la même manière qu’aux États-Unis, mais le rêve américain officie toujours, et l’image de l’opulence américaine continue d’être véhiculée auprès de cette jeunesse anglaise qui s’identifie à ces valeurs de l’Éden américain.

Le rock’n’roll américain ne va pas déferler en Angleterre. Il va arriver progressivement, et va s’imposer autant grâce aux stars américaines que sont Bill Haley qu’aux produits locaux Tommy Steel, Terry Deen, Lonnie Donnegan où encore Cliff Richard et Vince Taylor. L’Angleterre de l’après-guerre, avec ses spécificités va en peu de temps inverser la tendance musicale et devenir une puissante force créatrice, prenant en quelques années le pas sur les États-Unis.

Le paysage culturel de l’après guerre en Angleterre est constitué essentiellement de revues, itinérantes et même fixes dans les grandes villes, qui proposent des spectacles mêlant prestidigitateurs, chansonniers, parodies etc… Dans les villes de province, les théâtres proposent des package show aux accents populistes mêlant tour de chant, cirque, magie et comique troupier. Ces troupes tournent en train jusqu’en Écosse et sont souvent les créations de deux ou trois gros producteurs qui détiennent la totalité du marché. Larry Parnes fait partie de ces producteurs, et il deviendra dans les années 50 et 60 l’un des principaux manager de rock britannique.

Ces revues sont accompagnées par des orchestres de jazz qui jouent la – déjà- tradition du jazz new-orleans, et qui ont profité de l’arrivée des GI et des 78 tours de Glenn Miller, Benny Goodman et Woody Hermann pour se reconvertir dans le swing, style qui fait fureur pour les danseurs. Progressivement, le répertoire évolue sous l’influence notamment des titres du saxophoniste Louis Jordan, avec le jive, qui s’impose peu a peu dans les dancings. Les orchestres de danse deviennent très populaires, et de nombreux musiciens de jazz, anonymes, enregistrent alors des centaines d’air à la mode sans honte d’apparaitre dans des sessions de rock, de jive et de mambo, disques qui sont vendu pour rien sur les marchés etc…

EN 1952, le magazine New Musical Express décide de ne plus relayer le classement américain, mais bel et bien d’établir un classement national, établi sur les ventes de disques. Le premier groupe anglais a apparaitre dans ce classement est les Stargazers en 1953, suivie de Vera Lynn en 1954. Les deux sont sorties sur le label Londonien DECCA. Le trompettiste Eddie Calvert est le premier musicien de jazz anglais a oser sortir un titre sous son nom pour satisfaire le show business. Il devient N° 1 en Grande Bretagne en 1954, mais également aux États-Unis, avec Oh Mein Papa, un titre issu d’une opérette suisse-allemande. Il est représentatif de ce qui était musicalement proposé a l’époque  en Angleterre.

Six mois après sa sortie aux États-Unis, c’est réellement le film Blackboard Jungle qui ouvre l’Angleterre au rock’n’roll. Ce film rappelons le, traite de la délinquance juvénile dans le Bronx. La chanson du générique n’est autre que Rock Around the Clock de Bill Haley. Blackboard Jungle et Rock’Around the Clock deviennent en très peu de temps les révélateurs du malaise des enfants de cette « workin class » anglaise de l’après-guerre. C’est l ‘époque des bandes de Teddy Boys et des guerres de territoires dans les quartiers londoniens. Le film sera projeté dans 300 salles, et la plupart rendront leurs bobines, de peur de ne voir leurs sièges et leur cinéma détruits par ces bandes de jeunes, qui s’affrontent la nuit à la sortie des cinémas.

      1. Lonnie Donnegan et le skiffle

C’est dans ce contexte que la firme londonienne DECCA décida de promouvoir l’écossais Lonnie Donnegan. Fils d’un violoniste classique, il aborde la musique avec la même rigueur. Il obtient ses premiers contrats dès l’age de 16 ans dans des petits clubs de Londres. Son registre est celui du folk et du blues de Leadbelly. Il se retrouve rapidement banjoiste du groupe de New Orleans du tromboniste de jazz Chris Barber, et travaille la batterie au contact des GI américains lors de son service militaire à Vienne en 1949. De retour, il crée sa propre formation et fait la premiere partie d’un concert de Lonnie Johnson à Londres.

Lors d’une tournée en Scandinavie avec l’orchestre de Chris Barber, il profite d’une pause au Danemark pour enregistrer quelques titres de blues et de folk, avec un accompagnement minimaliste de l’orchestre. Cela prendra l’appellation de skiffle. Lonnie Donnegan se replonge dans les sources du dixieland et des jug bands du début du siècle, et choisi comme instrumentation le washboard, la contrebassine, et quelques contrepoints rythmiques aux cuillères. Il crée ainsi une espèce de rock blanc se rapprochant du bluegrass américain, du folk et de Bill Haley. Il sort en 1956 la chanson Rock Island Line, qui se place N° 8 en Angleterre, mais surtout N° 6 dans le billboard américain. C’est la première fois qu’un anglais retient l’attention des américain, et qui plus est en leur rejouant leur propre folklore.

Cette chanson a d’ailleurs déjà été enregistrée par le bluesman Leadbelly en 1937. Peu de temps après il sort sur chez Pye Record la chanson Lost John. Son producteur Alan Freeman se débattra pour envoyer Lonnie en tournée au États-Unis lors de la sortie de la chanson Lost John.

Il fera un vague passage dans une émission sur la chaine NBC, et reste un temps à New-York en touriste, puis décroche quelques dates en invité d’un trio de rockabilly, celui des frères Burnett. A son retour en Angleterre, il s’aperçoit que les médias se sont emparés de sa « tournée » triomphale aux États-Unis et ont pas mal fait mousser l’affaire. Sa tournée d’automne portera le sous-titre : Direct from his terific American succes. Le Skiffle a lui aussi fait des émules, et de très nombreux groupes se sont formés : Le Rock’n’Skiffle Group, le Washboard band, où encore The Vipers Skiffle Group, qui deviendra l’un des principaux groupes concurrent de Lonnie Donnegan.

Alan Freeman, producteur de Lonnie Donnegan essaiera de le faire évoluer, après l’arrivée notamment de Bill Haley et d’Elvis Presley, mais Lonnie se montre insensible au côté électrique du rock’n’roll. Il connaitra encore quelques succès jusqu’en 1960, puis deviendra producteur et directeur artistique.

      1. Tommy Steel, Britain’s first Rock’n’Roll Star

Bien avant La Nouvelle Star, The Voice et autre Star Academy, l’Angleterre des années 50 voit les premières teen-idols arriver sur scène à l’occasion de tremplins dont certains connaissent un grand succès et deviendront télévisés. C’est le cas du Carrol Levis Discovery Show, qui deviendra a la télévision le Discoveries Talents Show, et dans laquelle en 1956 les Quarrymen de John Lennon seront battus par le Sunnyside Skiffle Group dès le tour préliminaire.

C’est également dans cette émission que l’on remarquera le blondinet Tommy Steel, première teen-idol à la « Presley ». Avec lui que le rock anglais va s’affirmer pour la première fois. Tommy a appris a jouer de la guitare alors qu’il était dans la marine, et connait assez bien le répertoire de Hank Williams entre autre qu’il joue pour les différents passagers de ses voyages. De retour à Londres, il forme le groupe les Cavemen, signe avec Decca, et sort son premier tube : Rock with the Cavemen. Il prouve qu’il est possible pour un autochtone d’écrire, de sortir et de concurrencer les américain sur le terrain du rockabilly, dans un titre qui fait la synthèse entre Bill Haley, Elvis Presley et Fats Domino.

Le solo de saxophone ténor, un modèle du genre, est signé de Ronnie Scott, et le morceau est l’œuvre de deux membres du groupe, Lionel Bart et Michael Pratt, deux jazzman clairvoyants, qui ont compris où ils devaient aller pour continuer à travailler.

Le groupe prend ensuite le nom de Steelmen, pour assoir la popularité de leur leader, et l’ on sent tout le potentiel musical de ces musiciens de jazz londoniens notamment dans l’intro de Doomsday Rock. La tournée de Steel est un triomphe, il s’agenouille sur scène sans jamais lâcher sa guitare, prend des poses Elvisiennes, et son spectacle, découpé comme une comédie musicale rassure un public familial qui vient le voir et tape des mains en cadence.

      1. Terry Deen, Marty Wilde, l ‘époque des teens idols

Exemple type de ces chanteurs teen-idols, Terry Deen fit une carrière éclair. Après une courte carrière de coursier pour une maison de disque, il auditionne auprès de Dick Rowe, l’un des principaux DA du label Decca, et sort rapidement deux succès, dont celui-ci :

Garçon fragile et faible, le succès lui monta à la tête, il se mit à boire et fut à l’origine de nombreux scandales qui firent la une des quotidiens londoniens. Il fut convoqué pour son service militaire, mais fit une dépression nerveuse et ne resta que deux semaines dans l’armée. Autant ses frasques passaient auprès de son public, autant sa réforme fut prise comme une désertion, et il fut sifflé dès son retour sur scène. Il ne s’en remis pas, décida alors d’abandonner le rock’n’roll et de consacrer sa vie à Dieu.

Marty Wild décida de s’acheter une guitare à 18 ans, et trois mois plus tard, il passait en attraction dans plusieurs clubs de Soho. Il fit un premier tube avec une chanson bluesy Endless Sleep, et devint rapidement un symbole sexuel pour les petites anglaises. « A l’époque, dit-il, la musique passait au second plan. Il n’y avait pas beaucoup de musiciens qui savaient jouer le rock. Les meilleurs musiciens étaient des jazzmen qui ne sentait pas tellement cette musique. Ce n’est qu’au bout d’un moment que l’on m’a laissé enregistrer avec mon groupe les Wildcats. »

La compagnie Philips le vire en 1963, et il ne renouera plus avec le succès en tant qu’interprète. Il deviendra auteur et compositeur discret, avec quelques beau succès notamment pour le groupe Status Quo et pour sa fille Kim Wilde.

      1. Cliff Richard et les Shadows

Harry Rodger Webb a toujours voulu être Elvis Presley. Harry Rodger s’en est rapproché en devenant Cliff Richard. En 1957, il prend sa première claque musicale en assistant à un concert de Bill Haley et n’ a alors de cesse de vouloir chanter comme Haley et Presley. Avec le batteur Terry Smart et le guitariste, puis bassiste Ian Samwell, il monte un premier groupe Les Drifters.

Samwell : « Cliff ressemblait vraiment à Elvis Presley. Un soir au club le 2’Is un organisateur nous a dit qu’il ne voulait pas un nom de groupe sur l’affiche. On s’est creusé la tête parce que Harry Webb ça ne sonniat pas tellement bien. En hommage a Little Richard, Harry est devenu Cliff Richard… ».

Les guitaristes Hank Marvin et Bruce Welch se rajoutent à l’aventure. Le titre Move It enflamme rapidement le public, et le groupe ne séduit pas uniquement par ses décibels, mais aussi et surtout pas l’attitude de séducteur de Cliff Richard.

Ce titre est considéré comme la toute première composition originale du rock anglais. La chanson est élue meilleure chanson de l’année. La tolérance aux décibels est de plus en plus forte, et les Drifters jouent très fort, sur des amplis Vox haut de gamme qui peinent à couvrir les cris des fans. Il n’existe pas encore dans de nombreux théâtre de système de façade ou de retour.

Les Drifters vont devenir les Shadows, et le personnel va quelque peu changer sous l’impulsion de de leur maison de disque. Hank Marvin prend la place de guitariste et place ses copains Jet Harris à la basse et Bruce Welch à la guitare. Tony Meehan tiendra la batterie. Ces musiciens ont déjà l’expérience de la célébrité puisqu’ils ont appartenu au groupe des Vipers, un temps concurrents de Lonnie Donnegan.

Les Shadows accompagnateurs de Cliff Richard ne resteront pas longtemps dans l’ombre et ils enregistreront entre 1960 et 1965 pas moins de 20 tubes, dont le célébrissime Apache en 1960.

Quelques guitaristes et pas des moindres comme Jimmy Page, Eric Clapton et Jeff Beck reconnaitront avoir été influencés par Hank Marvin et son son son de guitare reconnaissable. Même les Beatles enregistreront a leurs débuts un instrumental du style des Shadows : « Cry Like A Shadow. », seul titre signé Lennon/Harrisson et enregistré en 1961 à Hamburg avec le guitariste Tony Sheridan.