Les Pionniers du rock – Lundi 22 09 14

Nous parlerons donc du rock’n’roll, comme style fondateur de la rock music et plus tard de la pop music. On date la naissance du rock’n’roll à 1955. Les cinquante ans du rock’n’roll ont été fêté mondialement et symboliquement en 2005, un demi siècle après la sortie du film Blackboard Jungle qui a fait connaître la chanson Rock Around the Clock de Bill Haley and the Comets.

A écouter : Bill Haley and the Comets, Rock Around the Clock, 1955.

Durant ces cinq décennies le rock va musicalement évoluer continuellement, fortement, dans tous ses excès, mais reviendra toujours régulièrement a sa forme première, un mélange de basse-batterie, de guitares électriques, de révolte adolescente, d’excitation et de sexe. Il faut rappeler qu’ étymologiquement l’expression « to rock and roll » évoque explicitement le balancement et le déhanchement, et implicitement l’acte sexuel. Les danseurs de boogie-woogie, de be-bop, de twist, de jerk, de disco simulent, d’ailleurs souvent inconsciemment, l’acte sexuel. On comprend alors d’autant plus l’odeur de souffre qui a toujours entourés les différentes manifestations du rock.

C’est en effet a un véritable vacillement des valeurs morales que l’Amérique est confronté avec le rock’n’roll. Il porte en lui la révolte et l’affirmation d’une jeunesse qui ne se retrouve pas dans cette décennie qui aurait du être celle de l’abondance, celle de l’avènement de l’american dream et qui sort juste des privations subies au sortir de la guerre. C’est le rock qui met sur le devant de la scène les questions de la race et du sexe, poussant dans ses retranchements les valeurs d’une société puritaine et conservatrice.

L’arrivée du rock’nroll puis la rock music n’est pas seulement un chambardement aux Etats-Unis, mais dans le monde entier. C’est une incroyable révolution qui a envahi le monde occidental avec toutes ses sonorités. Le rock est en ce sens sans doute le plus grand phénomène de colonisation culturelle de tous les temps.

Le rock au sens large, vient a l’évidence du métissage des complaintes des noirs de la cote occidentale d’Afrique importés de force comme esclaves et des ballades des premiers pionniers blancs et des missionnaires religieux anglais et français. Il est à l’évidence un des dérivés de la musique de la communauté noire-américaine. La musique de cette communauté,  empreinte d’esclavage et de douleur, s’est ensuite blanchie au contact du violon et du banjo country, et c’est ainsi que les bluesmen historiques des ghettos noirs de Chicago où des champs de coton du sud des Etats Unis, passant du chant d’église aux paroles sucrés-salées, ont engendré Ray Charles, Little Richard, et Elvis Presley. Quand cette musique est proche du rythm’n blues des noirs, on l’appelle rock. Quand elle plus rurale, elle s’appelle country western.

Il ne faut pas croire non plus que tout se qui se chante aux Etats-Unis est d’origine noire. Il faut entendre également le son de la ruralité, du « cow-boy » de l’ouest américain, qui est  celui de la guitare sèche et qui parle des préoccupations quotidiennes des cow-boys,  travailleurs émigrés. La musique country de Nashville transpirera cela. Certains feront d’ailleurs fortune dans l’industrie du disque en chantant les idées conservatrices propres au terroir rural américain. On pense a Johnny Cash, disparu récemment (qui fut d’ailleurs longtemps accompagné par Carl Perkins, compositeur du célèbre Blue Suede Shoes) et l’on oublie trop souvent d’évoquer Hank Williams, disparu en 1953 avant l’avènement du rock’n’roll, et qui, au titre de la branche country blanche du de l’équation country + blues = rock’n’roll, fut l’un des pionniers méconnus de cette musique.

  • L’équation Country + Blues = Rock

    • Les racines du rock

      1. Le « rock’n’roll » d’avant 1950

On retrouve l’appellation rock’n’roll bien avant qu’elle soit popularisé dans les années 1950. En 1934, The Boswell Sisters, un trio vocal issu de la bourgeoisie blanche de la Nouvelle Orleans et très populaire dans les années 30 enregistre à Los Angeles le titre Rock ‘n Roll, qui donne une toute autre apparence à cette musique.

Bien d’autres titres font apparaître dans les années 40 les deux mots côte à côte, comme en 1948 le boogie We’re gonna rock, we’re gonna roll du sax ténor texan blanc Wild Bill Moore, ou le Good Rockin’ tonight du black Wynonie Harris, bien avant la version d’Elvis Presley. La chanteuse Lavern Baker enregistre quand à elle en 1950 le titre I want to Rock.

Mais surtout, le premier vrai classique du genre, reconnu comme étant le premier morceau revendiqué du rock’n’ roll naissant est  Rocket 88 du saxophoniste et chanteur Jackie Brenston, avec l’orchestre d’Ike Turner « The King of the piano ». La même année, Bill Haley et ses Comets reprendront ce même titre, et en feront un succès.

      • Hank Williams (1923-1953)

Dans l’équation posée country + blues = rock, allons voir du côté de la musique country-folk des années 40. Il serait juste en effet de reconnaître au cow-boy Hank Williams le titre d’inventeur du rock’n’roll, même involontaire. Hank Williams est né en 1923 dans une famille pauvre de Mount Olive en Alabama, un endroit a 98 % blanc. Il chante dans une chorale d’église a six ans, et se met rapidement à la guitare. A quatorze il monte son orchestre les Drifting Cow-boys et écume tous les bals populaires et autres bars a bière. A la fin des années 30 il est animateur de radio et tourne régulièrement en Alabama et dans les états voisins avec son groupe. Il est déjà un alcoolique invétéré, et c’est ce qui lui devra d’ailleurs son renvoi de la radio ou il travaillait.

Il signe un premier contrat en 1947 chez Sterling Records, mais uniquement comme compositeur. Les deux singles qui sortent sont alors des succès. Il signe enfin un contrat avec MGM en 1949 et enchaine onze succès consécutifs qui se vendent à plus d’un million d’exemplaires, chiffre énorme a cette époque. Certains deviendront des standards de la musique américaine comme My Bucket got A hole in it. Il est admirablement accompagné par ses Drifting Cow Boys, de l’époque : Don Helms à la steel-guitar, Bob MvcNett à la guitare, le violoniste Jerry Rivers, et Hillous Butrum à la contrebasse.

En 1951, il produit encore plusieurs chef d’œuvre comme notamment Crazy Heart, Dear John. L’un de ses plus célèbre titre reste quand même Jambalaya (On the Bayou), qui n’ été que 23ème dans les charts quand elle est sortie, mais qui s’est vendue à plus d’un million d’exemplaires entre 1952 et 1958, car reprise par tous les chanteurs blancs, et noirs de country, de rockabilly, de rock, elle a également servie a de nombreuses B0 de films. Le Jambalaya est un plat typique de la Nouvelle Orleans, cousin de la paella espagnole, a base de riz pilaf, avec saucisses, écrevisses, patates, ecrevisses et crevettes (crawfish), jambon fumé, poulet, chorizo, oignons, céléri, tomate, persil, thym, laurier et tabasco !

Bill Haley déclarait a propos de Hank Williams : Je l’ai rencontré à mes débuts, lors d’un concert, on est tout de suite devenu copains. Il m’a appris plusieurs accords de guitare et m’ a influencé plus que tout autre…

Hank Williams apporte au rock’n’roll une forme différente de celle du blues, avec des structures de morceaux proprement occidentales : la forme chanson, avec l’alternance couplet/refrain qui raconte une historie complète, ainsi que la recherche de l’arrangement et de l’effet.

A partir de 1950, il prend un autre pseudo Luke The Drifter, et se lance dans des interprétations de répertoire religieux. Hank Williams est mort en 1953, dans sa voiture alors qu’il se rendait à un concert,  après s’être arrêté dans un restaurant ou les plats portaient les noms de ses chansons. Il aura copieusement arrosé son repas de midi, une malheureuse habitude pour lui.

Ses chansons feront aussi le tour du monde sans lui, l’une de ses chansons de 1951, Cold Cold Heart, sera notamment interprété successivement par Tony Bennet, Dinah Washington, les Cow boys Junkies, ou encore par Norah Jones en 2002

Wiki : Norah Jones est une chanteuse, musicienne et actrice américaine née en 1979 à New York. Elle est l’une des filles du célèbre joueur indien de sitar Ravi Shankar et de la productrice américaine Sue Jones. Sa carrière de Norah Jones est lancée en 2002 avec la sortie de son premier album, Come Away with qui se vend à plus de 20 millions d’exemplaires. Elle reçoit cinq Grammy Award pour cet album.

      • La Nouvelle Orleans et le black rock’nroll

C’est à la Nouvelle Orleans que va véritablement se lancer le mouvement du black rock’n’roll, littéralement le rock’n’roll noir. NOLA était déjà une ville aux multiples influences françaises et hispanique, était déjà la patrie d’un jazz que les anglais appellent jazz trad. Elle va donner au rock’nroll quatre chanteurs important : Roy Brown, Fats Domino, Lloyd Price et Little Richard.

Ce black Rock’nroll a  un son bien particulier, typique du sud des Etats-Unis, une rythmique bien lourde, bien « laid back », utilise le piano, un héritage des pianistes de boogie-woogie de la Nouvelle Orleans, des cuivres et un chant puissant.

        1. Roy Brown

Roy Brown enregistre en 1947 Good Rockin Tonight qui devient un tube très rapidement, puis un standard grâce à la version qu’en fit Elvis Presley. Roy Brown en imposait par sa taille, par son poids et par sa voix. Il sorti plusieurs succès jusqu’en 1951, et tenta un come-back en 1957.

Roy Brown est mort en Mai 1981. Il déclara peu de temps avant sa mort, lui qui sera une influence majeur pour des chanteurs comme Little Richard, mais aussi James Brown et même le grand BB King :

« personne ne m’a jamais véritablement influencé. Quand j’ai débuté, volontairement je n’écoutais jamais la radio afin de rester fidèle à mon propre style. J’étais un blues shouter qui pleurais et qui criais ! »

        1. Fats Domino

A la fin des années 50, Fats Domino est avec Elvis Presley le chanteur de Rock’n’roll qui a le plus vendu de disques (une vingtaine de disques d’or). Ses chansons on tété reprises par d’autres rockers de sa génération (Elvis Presley, Little Richard, Jerry Lee Lewis, Chuck Berry), et sa version de la bluette Blueberry Hill restera a jamais un monument du slow sucré rock’n’roll.

A noter, la présence tout au long de sa carrière de Dave Bartholomew, trompettiste et arrangeur, et qui fut son « band leader » jusqu’à la fin. Influencé par le blues, le boogie-woogie, le ragtime, Fats est un musicien qui n’ a jamais appris a lire et a écrire la musique. Il déclarait :

Lorsque j’ai un idée, je m’assied à mon piano et je la chante en faisant tourner mon magnétophone. Une fois que c’est terminé, je la fais écouter à Dave qui travaille les arrangements et s’occupe de l’enregistrer.

On se souvient également de Ain’t that a shame, en 1955, titre avec lequel il conquis le public blanc, et avec lequel sa renommé mondiale débuta. La chanson Lady Madonna des Beatles, sera écrite intentionnellement par Mac Carthney avec un style de piano volontairement proche du style de Fats Domino. Celui-ci reprendra d’ailleurs la chanson lors d’un come back en 1968.

        1. Huey « Piano » Smith

Huey Piano Smith est véritablement emblématique du rock’n’roll de la Nouvelle Orleans, avec des titres comme Rockin’ Pneumonia and Boogi Woogie Flu, ou encore Don’t you just know it ? Il a joué avec plusieurs figures du blues comme Guitar Slim, avec les rockers Little Richard et Lloyd Price. Son orchestre était constitué des meilleurs musiciens du moment à NOLA. On peut citer le batteur Earl Palmer, le pianiste Allen Toussaint, le guitariste Earl King, ou encore Malcolm Rebennack, qui fera carrière plus tard sous le nom de Dr John.

        1. Little Richard.

Little Richard : le premier king du Rock’n’roll, celui qui a influencé les Beatles, les Rolling Stones…est l’icône du black rock’n’roll de la deuxième partie des années 50. Il fait sa première séance à NOLA en 1955 où il enregistre une douzaine de titres de rythm’n’blues. Alors qu’il lui reste un quart d’heure, il fini par enregistrer Tutti Frutti, en acceptant d’ailleurs de rendre plus soft les allusions sexuelles du texte. On retrouve dans cette séance plusieurs des meilleurs musiciens de la Nouvelle Orleans comme les saxophonistes Lee Allen et Red Tyler ou encore le batteur Earl Palmer. Il enregistre ensuite une série de 45 tours qui deviendront mythiques : Long Tall Sally, Rip it Up, She’s got it, Lucille, Jenny, Jenny, Keep a knockin’ etc…

Fin 1957, au cours d’une tournée en Australie, il décide pour la première fois de se consacrer entièrement à Dieu. Il n’aura alors de cesse de faire des allers-retours entre sa carrière musicale et son engagement mystique.

EN 1962, il se produit en Europe, Angleterre puis Allemagne et rencontre quatre jeunes gens de Liverpool. A Hambourg, pendant six semaines, les Beatles ouvrent le show pour Little Richard and his Sound Incorporated (avec à l’orgue Billy Preston, que l’on retrouvera sur l’album Let It Be – il est l’auteur du solo de piano électrique dans la chanson Let it Be – et sur le 45 tours Get Back/Don’t Let me down par « The Beatles with Billy Preston ». Il travaillera plus tard également avec Les Rolling Stones, mais aussi Eric Clapton etc…

Un certain Jimi Hendrix rejoint l’orchestre de Little Richard. «…J’ai du m’en séparer parce qu’il arrivait toujours en retard, et il ne pouvait pas y avoir deux stars sur scène en même temps ».

    • Le rock’n’roll, année de naissance : 1955

      1. Bill Haley and the Comets

Bill Haley est né en 1925 dans le Michigan. Gamin, il fabrique une guitare en carton, et son père lui en achète une rapidement. A quinze ans il quitte la maison sa guitare sur le dos. Il devient professionnel à partir de 1945 en jouant du country, du western, du dixieland, puis du rythm’n’blues. A partir de 1949, il enregistre plusieurs disques avec son premier groupe : The Four Aces Of Western Swing, qui deviendra les Saddlemen, puis en 1953 les Comets. Premier tube en 1951 avec Rocket 88, sorti d’ailleurs la même année que la version originale de Brenston et Ike Turner. Pour Bill Haley la formule du rock est simple :

« il s’agit d’une musique noire interprété par des musiciens blancs de country et de western. EN 1950, j’avais déjà créé la formule, Fats Domino est arrivé après, Chuck Berry en 54, Presley en 56 ».

En 1955, le rock explose aux États-Unis. En Juillet, Rock Around the Clock était N°1, avant peu de temps après de devenir un succès mondial. Bill Haley and His Comets vont créer ensuite une trentaine de tubes dont Shake, Ralle and Roll, Razzle Dazzle (55), See you later Alligators, Saint’s Rock’n’roll, Rip it up (56), Don’t Knock the Rock (57) pour le film du même nom ou il partage l’affiche avec Little Richard.

      1. La révolution Rock Around the Clock

Cette chanson va révolutionner la musique du Xxème siècle, par la portée planétaire qu’elle aura. Rock Around the Clock a été enregistré en 1954, au Pythian Temple de New York, où la maison de disques DECCA avait aménagé un studio d’enregistrement au troisième étage.

Richard Brooks metteur en scène et réalisateur utilisa cette chanson dans le film Blackboard Jungle (Graine de violence en VF), film qui parle des rapports difficiles entre un jeune prof et ses élèves dans un lycéee professionnel. Dans uns scène, les étudiants cassent rageusement les disques du prof de musique, en l’occurrence du jazz, celui du trompettiste Bix Beiderbecke.

Le film, sorti le 25 Mars 1955, fit connaître la chanson, qui entra au Top 100 le 14 Mai. Et devient N° 1 le 9 juillet. Ce fut le premier disque de rock a atteindre la première place de ce classement des ventes : N° 1 pendant trois semaines, elle ne sortira pas du classement pendant 43 semaines. N°1 en Angleterre en novembre 55, puis encore en 56, mais aussi en 68 et en 74…

En juin et juillet 55, ce fut le titre le plus diffusé sur l’ensemble des radios américaines.

      1. L’importance de la radio et des DJ : Alan Freed

La radio était le média le plus important pour lancer des disques. La télé était encire rare et chère. Le premier poste de télé couleur sorti en 54 (le CT-100) valait à l’époque 1000 dollars, soit le prix d’une Cadillac. Il était de plus difficile a régler, et il y avait peu d’émission en couleurs. En France, la télé couleur n’arriva qu’en 68 sur la deuxième chaine, et les français achetèrent longtemps des télé en noir et blanc, produit moins onéreux.

L’un des disc-jokey qui officiait sur l’une de ces radio, WJW, joua un rôle prépondérant dans la diffusion du rock’n’roll. Alan Freed est même surnommé le père du rock’n’roll, tellement son rôle d’implantation auprès des masses lui est attribué. C’est le premier qui utilisera l’expression rock’n’roll pour la première fois à l’antenne.

Il ne s’arrêtera pas a cela, montera son orchestre, et co-écrira quelques paroles de chansons dont le Maybelleenne de Chuck Berry, mais sa réputation fut entaché par le scandale de la payola, dans lequel il plaida coupable et fut condamné. Il se livrait notamment à un chantage auprès des artistes , puisqu’il passait à l’antenne les titres de disques sur lesquels il touchait de faux droits d’auteurs, et il faisait également payer aux maison de disques un passage privilégié sur les ondes, ce qui s’apparente à de la corruption.